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——————————— Thursday 18 August 2022 ———————————
La cause est entendue : Salman Rushdie, frappé à plusieurs reprises au cou, à l’abdomen et au bras par un fanatique religieux, alors qu’il s’apprêtait à donner une conférence, a été victime de « la barbarie ». C’est le coupable le plus communément désigné par celles et ceux qui, avec plus ou moins de fermeté, ont condamné cette attaque. C’est pratique, la barbarie, ça ne mange pas de pain. Ça va avec tout et avec rien. Elle n’a pas de nom, pas de visage, pas de religion, pas de pays et elle ne fait pas de politique. D’ailleurs, dans les premiers commentaires, on a pu lire ou entendre que l’agresseur avait agi pour des motifs « encore flous ». Bref, on se perd en conjectures.

Comment peut-on encore proférer de telles âneries ? Après janvier et novembre 2015, après Nice, après Bruxelles, après Strasbourg, après Manchester, après Samuel Paty, après l’insupportable litanie des massacres et des exécutions perpétrés à travers le monde au nom de l’islam ? Et dans quel cloaque d’inconscience, de lâcheté ou de perversité macèrent celles et ceux qui les prononcent ?

Aucun « flou » n’entoure la tentative d’exécution de Salman Rushdie. C’est un crime religieux, commis par un idolâtre enragé dont les motivations ne laissent place à aucune ambiguïté ni à aucune éventuelle « abolition du discernement », si pratique à invoquer quand on veut éviter les sujets qui heurtent les « convictions ». C’est un crime d’État, ordonné par un régime totalitaire et terroriste, l’Iran, au nom d’un culte qui prétend s’imposer par la force et la peur à l’ensemble de l’humanité. Aucun dignitaire religieux iranien n’a jamais annulé la fatwa de mort lancée par l’ayatollah Khomeyni en 1989, pas plus les soi-disant « modérés » que les autres. Au nom de cette fatwa, le traducteur japonais de Rushdie avait été poignardé à mort en 1991, et son éditeur norvégien, grièvement blessé, deux ans plus tard.

Mais c’est aussi un crime qu’au fond bien d’autres religions aimeraient perpétrer avec autant d’entrain. C’est un crime qui a été fomenté avec la complicité, pas toujours passive, de milliers de petits dandys inconséquents et poseurs, parfois eux-mêmes gens de lettres, qui, bien calés au fond d’un fauteuil dans un salon bourgeois d’une capitale occidentale, ont sciemment choisi le camp de l’obscurantisme assassin contre l’irrespectueux, le « blasphémateur », l’« islamophobe ». C’est un crime qui a pu s’accomplir parce que nombre de politiciens cyniques ont préféré condamner l’écrivain plutôt que ceux qui le menaçaient. Le plus célèbre d’entre tous restant notre si sympathique Jacques Chirac, qui avait dit de Rushdie : « Je n’ai aucune estime pour lui ni pour les gens qui utilisent le blasphème pour se faire de l’argent, comme ce fumiste – je pèse mes mots – qui s’appelle Scorsese, l’auteur d’un navet, La Dernière Tentation du Christ. Quand on déchaîne l’irrationnel, il ne faut pas s’étonner de la suite des choses. » Sur son lit d’hôpital, l’écrivain est donc prié de ne pas s’étonner…

Le bourreau de Salman Rushdie n’est pas venu seul, armé de sa foi fanatique et de l’ordre d’exécution iranien. Il traînait derrière lui trente-trois ans de couardises, de bassesses, de trahisons, de postures, d’ignominies. Dans son ombre grouillaient une multitude d’alliés objectifs. Sont-ils eux aussi coupables du crime ? En tout cas, ils n’ont rien fait pour arrêter le bras du tueur. Au contraire.
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