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Vrai traumatisme ou simple choc culturel des touristes japonais ?
Wed May 30 15:54:49 2018

Le syndrome de Paris

4 Avr 2018
À la fin des années 1980, le psychiatre Hiroaki Ota diagnostiquait le « syndrome de Paris », un traumatisme frappant certains touristes japonais choqués par leur confrontation avec la réalité de la capitale française, très éloignée de leur vision idyllique. Mais cette pathologie, reprise dans de nombreux médias, est-elle toujours aussi répandue aujourd’hui ?
Les touristes japonais ont une vision idéalisée de la ville

Les touristes japonais ont une vision idéalisée de la ville de Paris, qui contraste avec la réalité. Crédit : Alexis Orsini

« Les touristes japonais victimes du ‘syndrome de Paris’ », « ces Nippons qui deviennent fous à Paris »… Depuis une dizaine d’années, une surprenante pathologie fait l’objet de nombreux articles dans la presse française comme anglophone, du Monde au New York Times, bien qu’elle ne soit pas reconnue par les autorités françaises comme japonaises.

Le phénomène fascine à juste titre. Diagnostiqué par le psychiatre japonais Hiroaki Ota à la fin des années 1980 dans un livre publié au Japon – aujourd’hui épuisé –, le syndrome de Paris frapperait certains touristes ou résidents nippons lors de leur séjour dans la capitale française. Le contraste flagrant entre leur vision idéalisée de Paris, connu au Japon comme un haut-lieu de savoir-vivre, et la réalité de la ville, dont la saleté des transports n’a d’égal que les manières souvent brusques de ses habitants, aurait chez certains l’effet d’un véritable traumatisme.

Au point d’entraîner le rapatriement de plusieurs victimes, persuadées d’être persécutées ou en proie à des hallucinations. Le nombre de cas reste toutefois très limité. « À Paris, on compte en moyenne 650 000 touristes japonais par an et environ 20 personnes atteintes du syndrome de Paris sur la même période : les chances de rencontrer des victimes sont donc minces » nuance Frédéric Mazenq, directeur de la branche japonaise d’Atout France, l’agence publique en charge du développement touristique de la France dans le monde.
Le musée du Louvre

Le musée du Louvre, un passage obligé pour les touristes. Crédit : Alexis Orsini
« Ça va du simple choc entre individus aux hallucinations »

Les interrogations autour de la portée réelle de cette pathologie sont renforcées par le mutisme du docteur Hiroaki Ota, qui refuse depuis plusieurs années toute interview sur le sujet – lui qui a recensé 1900 personnes relevant du syndrome, dont 123 cas d’hospitalisation, entre 1985 et 2008. Mais pour son ancienne stagiaire Olivia Goto-Greget, qui compte aujourd’hui parmi les quelques psychanalystes à recevoir des patients atteints du syndrome de Paris, ce silence trouve une explication toute simple.

« Je pense que M. Ota ne donne plus d’interview parce qu’il a reçu énormément de demandes et qu’il prépare sa retraite. D’autant qu’après avoir été longtemps le seul, en France, à pouvoir recevoir des patients en leur parlant en japonais, il peut aujourd’hui compter sur une forme de relève » explique ainsi la jeune franco-japonaise, dans un bureau de l’Institut hospitalier de psychanalyse (IHP) de Sainte-Anne, l’un des rares espaces parisiens où sont traités les patients atteints du syndrome.

Olivia Goto-Greget reste toutefois la première à questionner la pertinence de l’expression : « Le problème du terme « syndrome », c’est qu’on s’attend à ce que toutes les personnes qui en sont affectées aient les mêmes symptômes alors que ce n’est pas du tout le cas. Il faut le comprendre au sens très large : ça va du simple choc entre individus à la grosse décompensation de type psychotique avec hallucinations et bouffées délirantes… »

C’est notamment ce qui est arrivé à l’une de ses patientes après avoir été bousculée dans le métro : « Elle a entendu un passager s’exclamer « Oh putain ! » Comme elle avait appris que ce mot voulait dire « prostituée » en français, elle a cru qu’on la traitait de prostituée, donc tout s’est enchaîné dans son esprit : les gens lui voulaient du mal, elle n’était pas la bienvenue ici… »
Olivia Goto-Greget reçoit des patients atteints du syndrome de Paris

Depuis 7 ans, Olivia Goto-Greget reçoit des patients atteints du syndrome de Paris, dont plusieurs étudiants japonais. Crédit : Alexis Orsini
« Certains vivent ça comme un viol »

À l’Office de tourisme de Paris, on reconnaît que les sources d’angoisse des touristes japonais sont aussi inattendues que variées. « Quand il s’agit de leur premier voyage en France, ils ont souvent des incompréhensions, certains réagissent particulièrement mal. Ça peut aller d’un papier laissé par terre dans la rue à quelqu’un qui leur dit : ‘Je vous réponds dans 5 minutes’ » indique ainsi Patricia Barthélémy, responsable du pôle Promotion-Loisirs au sein de l’organisme et spécialiste de la clientèle nippone.
Des détails a priori triviaux mais potentiellement choquants au regard des pratiques en vigueur dans l’archipel, comme l’explique Olivia Goto-Greget : « La société japonaise repose sur de nombreuses règles tacites […]. C’est le concept d’ « ishin-denshin », qui veut dire littéralement « communication cœur à coeur ». […] Ça signifie que l’autre nous comprend lorsqu’on parle à demi-mot. Pour les individus aux personnalités un peu plus fragiles, c’est pratique, car ils peuvent penser que l’autre pense comme eux alors que ce n’est pas du tout le cas. »

D’après l’expérience de la psychanalyste, qui suit actuellement une quinzaine de patients, les Japonais victimes du syndrome de Paris sont souvent des personnalités plus frêles, qui ont cherché à « fuir » leur pays d’origine. La moindre interaction inhabituelle avec un Français peut donc servir d’élément déclencheur : « Quand ces personnes viennent en France, elles ne sont plus du tout face à ce même environnement protecteur et elles sont un peu perdues. Il y a plus de corps à corps ici, que ce soit la bise, serrer la main… Certains vivent ça comme un viol, sans exagérer, comme une intrusion dans leur corps. »
Le syndrome de Paris touche autant des touristes japonais

Le syndrome de Paris touche autant des touristes japonais en voyage d’une semaine que des expatriés installés en France depuis des années. Crédit : Alexis Orsini
Moins d’hospitalisations, plus d’informations

Depuis quelques années, les hospitalisations restent toutefois exceptionnelles. Une avancée dont se félicite Olivia Goto-Greget. Elle l’explique autant par l’efficacité de ces thérapies fondées sur l’écoute que par une meilleure connaissance, au Japon, des différences culturelles entre l’archipel et la France.

Patricia Barthélémy partage son analyse : « Je pense que le syndrome de Paris est amené à disparaître car les Japonais s’informent énormément avant leur voyage aujourd’hui grâce à Internet, ils consultent de nombreux sites, ce qui restait impossible il y a encore 20 ans et accentuait le décalage. » D’autant qu’une bonne partie des touristes japonais actuels est déjà connaisseuse du pays, comme le souligne Frédéric Mazenq : « À Paris, la proportion de ‘repeaters’ parmi cette clientèle est de 50 %, ce qui signifie qu’un Japonais sur deux est déjà venu. »

Le syndrome reste toutefois susceptible de se déclencher soudainement chez des expatriés installés en France de longue date. Une Japonaise en consultation à l’IHP est ainsi persuadée qu’elle a « attrapé » son  cancer à cause de la saleté du métro et de certains de ses usagers.
Certaines stations du métro parisien proposent des plans interactifs en japonais

Certaines stations du métro parisien proposent des plans interactifs en japonais. Crédit : Alexis Orsini
Des hôteliers « coachés » pour mieux accueillir les Japonais

Si le « déclic » en question peut être provoqué par la barrière de la langue, le regard ou l’hygiène, il reste le plus souvent lié à l’émotion.  « Tout ce qui relève du débat, de l’expression de son opinion, joue beaucoup. Là où les Japonais ne vont pas exprimer leur avis comme ils le voudraient vraiment, préférant l’appuyer sur des recherches, un Français va l’affirmer du tac au tac, sans forcément vérifier la chose qu’il affirme » indique Olivia Goto-Greget.

Mais nombre de Japonais sont désormais mieux préparés à ce décalage, notamment grâce aux agences de voyage nippones, qui ont pris l’habitude de les informer, avant leur départ, de ce type de différence culturelle. Sur place, ils sont en outre mieux accueillis grâce aux efforts entrepris par l’Office de tourisme de Paris, qui assure des séances de formation auprès des restaurateurs et hôteliers français.
Le musée du Louvre pense aussi à sa clientèle japonaise

Le musée du Louvre pense aussi à sa clientèle japonais. Crédit : Alexis Orsini

« Parmi les conseils donnés, on suggère de toujours accueillir les touristes japonais avec le sourire, de ne pas les faire attendre dans le hall de l’hôtel, de leur remettre le moindre objet avec les deux mains [en signe de politesse]… » détaille Patricia Barthélémy.

Et si nombre de touristes japonais continuent d’idéaliser certains quartiers de Paris, la nature même de leur voyage a bien changé : « Certains lieux restent incontournables comme le Montmartre d’Amélie Poulain et les Champs-Élysées, mais les Japonais qui viennent à Paris veulent vivre le Paris des parisiens. Ils tiennent à prendre les transports, à utiliser un Vélib’, à aller chez le coiffeur, à prendre un café dans un bistrot, à manger dans l’appartement d’un habitant… » Et donc à se frotter au fameux accueil parisien. Pour le meilleur et pour le pire.
http://www.demainlaville.com/syndrome-paris-traumatisme-choc-culturel-touristes-japonais/
Gérard Genette, mort d'une figure de la littérature - Culture / Next
Fri May 11 15:14:27 2018
 Gérard Genette, mort d'une figure de la littérature
Par Philippe Lançon — 11 mai 2018 à 14:56
On a appris cet après-midi la mort du théoricien de la littérature et auteur des «Figures». Il avait 87 ans.
Gérard Genette à Paris, en 2009. Photo Olivier Roller. Divergence

Ouvrons Postscript, son dernier livre, publié en 2016 : «Une amie philosophe nous l’assure : "Il n’y a pas de strapontins dans la société des esprits." Arrivé un peu tard à quelques concerts, je m’en suis souvent contenté, au risque de provoquer quelques "chut" indignés. J’essaierai de faire moins de bruit en sortant.» Gérard Genette, qui vient de mourir à 87 ans, avait plus qu’un strapontin dans le monde de la théorie littéraire, même si sa sortie, dans ce monde criard et moyennement réflexif, fera peu de bruit. Il avait en réalité un fauteuil : celui d’un créateur et d’un maître depuis la publication de ses premières études en 1959 (réunies dans Figures I). Sa rigueur, son style, son ironie, son travail sur la matière des textes, comme sur une trace pariétale, une peau de cuir vouée au palimpseste ou dans le filon d’une mine, mais avec toute la tenue, l’orgueil, la puissance et le raffinement quasi-précieux d’un noble du Grand Siècle, a influencé sous le nom de narratologie quelques générations d’étudiants, et donc de lecteurs et de professeurs, bien au-delà de sa propre matière littéraire (qu’il avait lui-même étendue au champ de l’art).

Il donnait des outils à ceux que la dilution plus ou moins forte des textes dans la biographie et l’histoire des idées ne pouvait satisfaire. Il les invitait à ne pas être paresseux face à ces textes, à entrer dedans comme à l’établi, en ouvriers apprentis de la langue. Il leur donnait les clous et le marteau de la théorie. Dans ces années 60 et 70, il leur indiquait finalement, avec quelques autres dont Roland Barthes, que l’analyse peut être, sinon une fiction, du moins une création. Dans sa chambre d’étudiant, après la guerre, il avait punaisé cette phrase de Marx : «Hegel conçoit le travail comme l’essence de l’homme, comme l’essence humaine en gestation.» Soixante ans plus tard, il ajoutait : «Je ne suis pas sûr d’avoir trouvé de meilleure définition de l’espèce humaine – ce qui n’oblige pas à en abuser.»
Un fauve

Comme souvent, devenu pape à la suite de Figures III, le moins lisible de ses livres, publié en 1972, il avait moins de sérieux – ou plus de légèreté – que ses disciples. Il se souvenait ainsi de la consternation silencieuse d’une «personne narratologiquement correcte» à qui, écrit-il, «je parlais, au fil d’une conversation à bâtons très rompus, de Combray à propos d’Illiers et de Proust à propos de Marcel : j’étais bien le dernier dont elle aurait attendu des glissements aussi irresponsables, de l’auteur au narrateur, et de la fiction à la réalité. Il me semble pourtant que les principes de méthode (et autres) doivent être réservés à leur champ d’application spécifique, et négligés là où ils n’ont pas grand-chose à faire». Et il concluait : «La pire confusion est la confusion des ordres : Pascal n’a pas tort de railler les demi-habiles qui ne savent jamais oublier le peu qu’ils ont appris – et qui confondent tout ce qu’ils ignorent.»

La bêtise, on l’aura compris, n’était pas plus son fort que celui du M. Teste de Paul Valéry ; mais l’affirmer aurait été une faute de goût. Lorsqu’on le rencontrait, c’était pourtant cela qui frappait : la sensation immédiate d’être en présence d’un fauve, presque d’une menace, silencieuse, soyeuse, griffue, sous le regard clair et la surveillance de cette intelligence quasi-parfaite, on dit quasi puisque le doute est dans la nature même du guet. Cette intelligence vous laissait venir et, soudain, une lueur passait dans le regard légèrement bridé et la bouche, s’ouvrant à peine, vous reprenait sur un mot déplacé, inutile, inapproprié. Le fauve avait tendu la patte et vous corrigeait. Il ne le faisait pas au nom d’une idée abstraite, mais par souci de précision et de clarté. De surcroît, il était drôle. Et l’entretien se finissait dans la convivialité, devant un whisky.
Travail, orgueil, plaisir et silence

A l’entrée «Concept», dans Bardadrac, le premier volume de son abécédaire intime (et pas seulement), il raconte comment, au lycée Lakanal de Sceaux, en 1948, dans sa cellule communiste d’étudiants khâgneux agglomérés par le professeur Jean-Toussaint Desanti, il vit entrer un garçon qu’il prenait pour un réac, l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie. Celui-ci avait été converti au communisme par la lecture de la Phénoménologie de l’esprit : «Je savais déjà que les voies du Concept sont impénétrables, mais celle-là parvint à me sidérer, et j’avoue n’avoir jamais cherché à l’utiliser pour d’autres tentatives de recrutement – n’ayant pour ma part jamais réussi à suivre toutes les étapes de cette odyssée de la conscience.»

Il quittera le Parti communiste en 1956, au moment de la répression en Hongrie. Plus tard, longtemps, il enseigna Baudelaire, sans jamais rien écrire sur lui, parce qu’il n’avait «rien de nouveau» à en dire. La littérature : travail, orgueil, plaisir et silence. Il y a une apparente coquetterie dans cette façon, pour un théoricien reconnu, de s’amuser des fumées conceptuelles ; mais il ne faut pas se tromper sur Genette : c’est un styliste raffiné, à la phrase longue, mais un penseur infiniment concret. Dès ses premiers articles, son écriture explore les textes de telle façon que jamais elle ne s’appuie sur eux pour aller vers du vague ou du pompeux. Une phrase merveilleuse, écrite dans le Jour, la Nuit, dans Figures II, résume cette éthique, cette respiration retenue : «Le signe total est une quantité discrète.» Son père était ouvrier, coupeur en textile.
Bassins sculptés

En 2006, appliquant à sa propre vie l’acuité et la condensation analytiques qu’il avait jusque-là développées en lisant les œuvres des autres, Proust, Stendhal, Mallarmé, Montaigne, Flaubert, le récit baroque, il entame avec Bardadrac une suite intime et buissonnière, (Codicille, 2009 ; Apostille, 2012 ; Epilogue, 2014, et donc Postscript en 2016), où chaque livre prolonge le précédent, sans annoncer le suivant. L’ensemble ressemble à une suite d’écluses ou de bassins sculptés, comme dans un parc baroque, où la vie d’un homme, sous forme d’abord abécédaire, puis l’éliminant au profit de simples paragraphes, est retenue, lâchée, composée, décomposée, un souvenir jaillissant sous le masque d’un mot où l’on ne l’attend pas. Il applique son esprit analytique à sa propre mémoire, mais avec une fantaisie, un jeu, que les textes des autres n’autorisaient pas. Ce faisant, il est créateur de nouveau : d’une forme autobiographique. Elle est déterminée par les perspectives et les contraintes de l’âge. Elle se réduit peu à peu, sans s’éteindre. Il est probable qu’il l’a conçue comme un tombeau et comme une éclaircie.

On s’en voudrait pourtant de terminer en éclairant le texte par l’auteur, à propos d’un homme qui, dans un texte sur Borges, écrivait : «Depuis plus d’un siècle, notre pensée – et notre usage – de la littérature sont affectés par un préjugé dont l’application toujours plus subtile et plus audacieuse n’a cessé d’enrichir, mais aussi de pervertir et finalement d’appauvrir le commerce des Lettres : le postulat qu’une œuvre est essentiellement déterminée par son auteur, et par conséquent l’exprime.» Cette évolution, ajoute-t-il, a retenti «sur l’opération la plus délicate et la plus importante de toutes celles qui contribuent à la naissance d’un livre : la lecture.» Elle devient «une indiscrétion savante, qui tient à la fois de la table d’écoute et de la salle de torture». Borges – et Genette lisant Borges – réagit en proposant une «admirable utopie» qui glorifie «une pensée et une œuvre qui ne veulent être celles de personne en particulier». On travaille à lire pour se libérer.

Il avait beaucoup d’humour, on l’a dit, plutôt à froid, et l’un de ces «mots-chimères» était : «Proustituée : cocotte à la recherche du temps perdu.» Il faut malheureusement que Genette se passe
http://next.liberation.fr/culture/2018/05/11/gerard-genette-mort-d-une-figure-de-la-litterature_1649057
Don’t be evil… until… – Christian Quest – Medium
Fri May 11 09:22:47 2018
Don’t be evil… until…

    En 13 ans Google Maps sera passé de la gratuité totale, à la gratuité partielle et le 11 juin 2018 au très peu gratuit et très cher !

Source: http://blogoscoped.com/archive/2007-06-01-n17.html

Lancés il y a plus de 13 ans, en février 2005, les services cartographiques de Google (Google Earth puis Google Maps) ont été une vraie révolution et se sont imposés depuis un peu partout sur le web.

Pour mémoire, Google n’a pas inventé la cartographie en ligne, MapQuest ou Michelin (ViaMichelin) étaient déjà présents et le projet OpenStreetMap avait démarré peu de temps avant, mais Google s’est naturellement imposé par ce choix de la gratuité et la possibilité d’intégrer (gratuitement) leurs cartes interactives personnalisables sur n’importe quel site.

Au long de ces 13 années, Google a restreint les usages gratuits en plusieurs étapes.

Le premier changement est intervenu en 2012 où une première série de limites sont mises en place (par exemple une limite de 2500 appels quotidiens à l’API de géocodage).

Ceci n’a, à l’époque, impacté qu’un nombre restreint de gros services utilisateurs. Certains ont basculé pour d’autres solutions, souvent basées sur les données OpenStreetMap car l’impact financier du changement de politique de Google mettait en péril l’existence même de leurs services et il leur était sûrement préférable d’investir pour acquérir la compétence dans un domaine aussi important pour leur activité.

Four Square, Pinterest sont deux exemples de bascules qui ont à l’époque fait du bruit, au moins au sein de la communauté OpenStreetMap.

Nouveau changement en 2015… le nombre d’affichages gratuits de cartes sur un site web est désormais limité à 25000 par jour (moyenné sur 90 jours).

Passé ce quota gratuit, la carte devient indisponible et un nombre plus important de sites est impacté.
Infos route de Savoie en dépassement de quota…

Cela fait quelque peu “désordre” sur des sites institutionnels comme celui de la Ville de Paris ou de la préfecture de savoie en plein épisode de tempête de neige l’hiver dernier.

Les tarifs hors quota gratuit restent toutefois raisonnables, avec 0.50$ les 1000 appels supplémentaires et ces utilisateurs “moyens” préfèrent souvent payer que d’envisager un changement qui nécessite souvent un nouveau développement important.
11 juin 2018… nouvelles règles et nouveaux tarifs !

Depuis quelques jours, les futurs tarifs applicables à partir du 11 juin 2018 semblent en ligne. Leur date de première publication n’est pas très claire, Google communique visiblement beaucoup plus sur l’obligation d’avoir une clé pour utiliser désormais leurs API, un petit peu moins sur le fait que désormais pour avoir une clé, il faut aussi obligatoirement fournir des informations pour le paiement (numéro de carte de crédit tout simplement), et pas du tout sur leur nouvelle tarification.

Tout ceci est présenté sous son aspect le plus positif: “Pricing for our core products is pay as you go and you only pay for what you use. You also get $200 free usage each month and can set usage limits to protect against unexpected increases.”

Une communication qui masque donc un changement radical dans le coût d’usage des services cartographiques de Google, car le changement de tarif est vraiment très radical.

Le quota gratuit de 25000 cartes affichées par jour sur un site web passe à… 28000 par mois (soit environ 1000 par jour) c’est à dire 25 fois moins !

    Comparer un quota qui était journalier avec un quota désormais mensuel… est-ce bien honnête ?

Les tarifs au delà de ce quota réduit de 96% ont aussi augmenté dans des proportions du même ordre… on passe de 0.50$ les 1000 cartes affichées à 7$, soit 14 fois plus cher.

Un site qui affiche 10000 cartes par jour passe donc de 0 à 1764$ par mois et pour ceux qui étaient proches de la limite gratuite de 25000 cartes/jour cela leur sera désormais facturé 4704$ par mois !

    Un site avec 100.000 cartes affichées par jour voit son coût multiplié par plus de 500

Dumping ?

De deux choses l’une, soit le coût de production de Google est effectivement de l’ordre de ces tarifs facturés et dans ce cas depuis des années c’est un dumping massif qui a été fait pour proposer gratuitement un service aussi coûteux à produire… soit ce n’est pas le cas.

Vu le nombre d’années où le service était totalement gratuit, il est clair que ce dumping indiscutable a éliminé de nombreux concurrents potentiels ou empêché le développements de nouveaux acteurs sur le marché de la cartographie web. Les alternatives existent mais sont fort peu nombreuses ou bien très liées à un marché historique SIG (cas d’ESRI par exemple).

Quelques alternatives basées sur des données et outils libres et ouverts ont pu heureusement toutefois émerger et ne se sont développés réellement qu’après la fin de la gratuité totale des services Google Maps. C’est par exemple le cas de Mapbox, Carto, Jawg.io, wemap, mapcat, tous basés en très grande partie (ou exclusivement) sur les données OpenStreetMap.

Google Maps s’est donc imposé bien sûr par les services offerts (et on pourrait aussi parler de leur qualité discutable), mais aussi et surtout par leur gratuité totale puis partielle.

    Un modèle d’affaire assez proche des dealers de crack… les premières doses sont gratuites et ça devient ruineux quand on est accro.

C’est lors de présentations d’OpenStreetMap que j’ai souvent dû répondre à des questions comme “mais à quoi ça sert, Google Maps est gratuit”. À force de répondre à cette question j’ai fait cette analogie avec le business model des dealers de crack, cela marquait au moins les esprits. Malheureusement j’avais raison… car le web est devenu assez largement accro !
Abus de position dominante ?

Maintenant que le web est devenu bien accro, que les concurrents ont été éliminés ou contenus par le dumping initial, il est temps de rafler la mise.

Les doses gratuites seront donc réduites de 96%… et celles payantes vont augmenter de 1400%… rien que ça !

Ces nouveaux tarifs sont proprement délirants. J’administre depuis 2012 les serveurs produisant les fonds de carte d’OSM France, et depuis 3 ans l’API de géocodage sur adresse.data.gouv.fr.

Le coût de production d’un millier d’appels à l’API de géocodage est de l’ordre de 0,006 euros… soit 1000 fois moins que les nouveaux tarifs proposés par Google. Belle marge !

Une telle augmentation de tarif ne peut s’envisager que lorsqu’on a une clientèle devenue captive (ou qui croit l’être).

    Des recours juridiques de la part des utilisateurs lésés doivent même être envisageables vue l’ampleur du changement. Il serait bon que l’Autorité de la Concurrence ou la DGCCRF se penche sur ce dossier.

Les conséquences prévisibles

De nombreuses cartes ne vont plus fonctionner correctement sur un nombre non négligeable de sites à la maintenance un peu relâchée. Ce sera sûrement le cas des sites institutionnels, réalisés par des prestations externes, où de tels changements n’ont pas du tout été envisagés. Ce qu’on avait vu sur les sites de la Ville de Paris ou de la préfecture de Savoie va sûrement se multiplier dans les mois qui viennent.

L’impact sur certaines startups risque aussi d’être important. On rentre facilement dans des coûts de plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’euros qui n’étaient pas du tout prévus (ni prévisibles).

La migration vers d’autres offres va sûrement s’accélérer, les serveurs OpenStreetMap risquent de chauffer un peu dans les mois à venir car trop habitués à la gratuité ce sont des solutions gratuites qui seront sûrement envisagées en premier lieu.
Opportunités

C’est le moment de vraiment se poser des questions sur les usages d’API externes et de leur pérennité tant technique qu’économique. Ces services peuvent-ils être remplacés par d’autres ? Quels sont les plans B ? Quel est le coût (caché) de sortie ?

C’est le moment de devenir visible pour les acteurs qui, malgré le dumping, ont survécu ou ont pu se développer.

C’est aussi le moment pour des acteurs historiques, qui se sont laissés distancer, de se remettre éventuellement en selle si ils sont assez agile pour cela, car il va falloir battre le fer tant qu’il sera chaud. Je pense particulièrement à l’IGN et à son Géoportail… encore faut-il avoir un service aussi simple à utiliser, efficace et performant et l’offre restera limitée au territoire français (sauf à compléter les données IGN par exemple par des données OpenStreetMap), ce qui ne conviendra pas à tout le monde.
Les limites du gratuit

De nombreux services gratuits sont disponibles sur Internet et on les utilise trop souvent sans se poser suffisamment de questions. A titre individuel et personnel nous avons souvent entendu “si c’est gratuit c’est vous le produit”, en lien avec la collecte de données personnelle et de profilage à des fins publicitaires.

Il n’y a pas à ma connaissance de slogan correspondant aux conséquences pour les utilisations non personnelles de ces services. Lorsqu’on fait appel à un service gratuit sans se poser de question, on oublie trop rapidement que rien n’est totalement gratuit…

    On ne se pose pas assez la question du coût de sortie…

Même des services gérés bénévolement ont des limites, c’est le cas des services OpenStreetMap de fond de carte ou de géocodage. Il faut en effet bien financer à un moment ou à un autre l’infrastructure qui n’est pas extensible à l’infini. OpenStreetMap limite donc l’usage de ses services et pousse soit à faire appel à des offres commerciales, industrielles des quelques acteurs sur le marché, ou bien à déployer soit même les services dont on a besoin.
Retrouver son indépendance

On peut en effet redevenir autonome et indépendant !

Ceci est rendu possible en s’appuyant sur OpenStreetMap car tant les données que les outils utilisés pour les exploiter sont libres, ouverts et gratuits. Dans ce dernier cas, on supporte soit même le coût (marginal) et l’on peut en plus devenir autonome et personnaliser son propre service, un autre avantage pour se démarquer, plutôt que d’avoir le même fond de carte que tout le monde. On a aussi la possibilité d’améliorer directement tant les données que le code pour les exploiter.

    Si vous ne connaissez pas switch2osm, leaflet, OSRM, GraphHopper, uMap, addok, photon, OpenMapTiles ou les conteneurs docker prêt à déployer le temps est venu de les découvrir et de découvrir tout le reste de ce très riche écosystème !

Des services additionnels sont aussi envisageables… ce que permet l’accès aux données brutes et ce que Google n’offre (surtout) pas. Le calcul d’itinéraire optimisé pour véhicules électriques, pour véhicules d’urgence, pour poids lourds ou convois exceptionnels devient par exemple envisageable.

Bien sûr il faut investir au niveau compétences. Si ces services cartographiques sont périphériques à votre business model, les externaliser peut être une solution, mais il faut un contrat équilibré et pas du type “pot de terre contre pot de fer”. Par contre, si les services cartographiques (ou autres d’ailleurs) sont très proches de votre coeur de métier, il faut absolument internaliser les compétences pour garantir votre indépendance.

Si vous vous basez sur OpenStreetMap, n’oubliez pas en retour d’alimenter d’une façon ou d’une autre ce commun (données, code voire financièrement), car c’est la condition indispensable aussi pour son maintien à long terme et donc la votre !

    Profitez de la prochaine conférence française OpenStreetMap pour venir faire le point, elle se déroule du 1 au 3 juin à Bordeaux.

Espérons que la leçon sera comprise… et retenue !

C’est vraiment nécessaire car il n’y a pas que sur les services cartographiques que l’on s’est largement rendu accro.

On est en passe de faire de même sur d’autres services tels que Waze (propriété de Google). Voir des services publics (par exemple certains SDIS, c’est à dire nos pompiers) se mettre en situation de dépendance de ce type de service pose de sérieuses questions de souveraineté à long terme.

    Dans la sphère publique, le service gratuit court-circuite en effet les procédures de mise en concurrence qui sont en principe un garde-fou.

Ne parlons pas de l’utilisation de Youtube pour diffuser la vidéo pédagogique (obligatoire) sur l’impôt à la source par laquelle nous passons tous avant de faire notre déclaration de revenus, ni des usages immodérés des Google Analytics sur bon nombre de sites publics et autres services gratuits (comme les polices de caractère ou les CDN) qui permettent au même acteur de toujours nous tracer et profiler un peu plus.

Une circulaire en la matière ne ferait pas de mal !
https://medium.com/@cq94/dont-be-evil-until-95f2e8dfaaad
Réforme de la SNCF: un cas d'école - Politicoboy
Mon Mar 19 10:06:57 2018
Réforme de la SNCF: un cas d’école
27 février 2018 politicoboy Commentaires 16 commentaires

Le projet de réforme de la SNCF constitue un magnifique cas d’école, à tout point de vue. Il permet d’expliciter les divers positionnements politiques, les différentes conceptions économiques, et cristallise les enjeux idéologiques et sociétaux. Une occasion rêvée de se livrer à un examen approfondi, avec en ligne de mire cette question : faut-il sauver le soldat SNCF ?
1) Ce que contient le projet de réforme

Commençons par planter le décor. La SNCF résulte de la nationalisation des différentes sociétés de chemins de fer régionales, agrégées en une entité unique en 1937.

Suite à l’intégration européenne, elle devient sujette à l’ouverture à la concurrence et à la privatisation, comme de nombreux autres services publics. La première étape est franchie en 2014 lorsque la SNCF est scindée en trois branches distinctes : une holding et deux filiales (« SNCF mobilité » chargée de faire rouler les trains, et « SNCF réseau » responsable de l’entretien des voies).

La réforme portée par Emmanuel Macron s’inscrit dans la logique de l’ouverture au marché prévu pour 2020. Ses modalités sont décrites dans un rapport commandé par le gouvernement, et dont le Premier ministre épouse désormais les conclusions. (1)

Jean-Cyril Spinetta, l’auteur du rapport, s’était illustré comme PDG d’Air France entre 1999 et 2007, organisant la privatisation de l’entreprise avec un bilan contestable, sur fond de conflits sociaux permanents, avant de mener le fleuron industriel Areva à la banqueroute en tant que président du conseil d’administration. (2)

Que contient son rapport ? Selon le journal Le Monde, il s’agit de la plus grande transformation du rail français depuis la création de la SNCF. On y retrouve les éléments clés suivant :

    La fermeture de 9000 km de lignes déficitaires (environ un quart du réseau) et leur remplacement par des lignes de bus
    La remise en cause des droits des salariés définis par la convention collective (le statut de cheminot)
    La généralisation de l’embauche d’employés en CDD dans le but affirmé de faire baisser les salaires.
    L’ouverture à la concurrence. Pour les TER, chaque ligne sera gérée par un opérateur privé unique, choisi suite à un appel d’offres. Pour les grandes lignes, différents opérateurs privés feront rouler leurs trains sur les mêmes voies.
    La transformation du statut de la SNCF en Société Anonyme, étape nécessaire en vue de la privatisation
    Le rachat de la dette de la SNCF par l’état français (47 milliards) et la recapitalisation (4 milliards) de la branche « fret » déjà sujette à la concurrence

Lignes devant être supprimées: En bleu: lignes de plus de vingt trains par jour, en jaune, moins de 20 trains par jour. Source: SNCF

Dans cette étude, aucune référence aux notions de réchauffement climatique ou d’environnement. Des problématiques étrangères à l’auteur du rapport, qui déclarait préférer faire Paris-Marseille en avion, malgré une empreinte carbone 20 fois plus importante et un temps de parcours porte à porte légèrement supérieur. (3) Les 9000 km de voies supprimées seront remplacés par les fameux « cars Macron », tandis que le rapport préconise d’abandonner les projets de nouvelles grandes lignes au profit du transport aérien, contredisant ainsi la stratégie d’Eurostar qui prend des parts de marché importantes aux compagnies aériennes avec ses liaisons Londres-Bruxelles-Amsterdam. (4)
Les trains Eurostar à la conquète du marché aérien, au départ de Londres. (Wikicomons)

Ceci étant, on peut cependant reconnaître à ce rapport une véritable cohérence idéologique. Si on pose comme conditions indépassables l’ouverture à la concurrence et la privatisation de la SNCF, alors les mesures prescrites semblent « pragmatiques ». Elles permettent de réduire les salaires et d’éponger la dette de la SNCF tout en abandonnant les lignes non rentables en vue d’une privatisation. Mais cela découle d’un choix politique précis qui est tout sauf naturel.
2) La question du cadre politique : l’indépassable ouverture à la concurrence ?

Il faut lire l’enquête d’Acrimed sur la couverture médiatique de ce projet de réforme pour se rendre compte de l’ampleur du parti pris idéologique des médias dominants, qui se contentent de faire le service après-vente du gouvernement en martelant le caractère inévitable et nécessaire de cette réforme.

Or, rien d’indépassable ne force l’État français à ouvrir ses chemins de fer à la concurrence. Non seulement il aurait pu s’opposer aux différentes directives européennes (ce qu’il n’a pas fait), mais il aurait également pu éviter cette situation en faisant exclure les services publics des différentes directives, comme c’est le cas d’autres secteurs régaliens (police, pompiers, éducation…). Il s’agit d’un choix purement politique et réversible. (5)

De même, le gouvernement pourrait décider de freiner l’ouverture à la concurrence, ou de mener une politique protectionniste en organisant de manière habile l’ouverture du réseau, comme l’a fait l’Allemagne en maintenant son fleuron « Deutch Bahn » en situation de quasi-monopole public sur les grandes lignes. (6)

Le gouvernement a fait un choix politique et idéologique diamétralement opposé. Est-il pertinent ? La science économique nous fournit des réponses accablantes.
3) Conceptions économiques : de la pertinence de l’ouverture à la concurrence

En théorie, la concurrence doit permettre de faire baisser les prix et d’augmenter la qualité du service.

Pourtant, la science économique est de plus en plus sévère avec la notion de concurrence. On pourra citer Joseph Stiglitz, prix Nobel 2001 pour sa démonstration de l’inefficacité des marchés, tout comme la célèbre Théorie des jeux de John Nash (Nobel 1995) qui démontre le caractère contre-productif de la compétition, et la supériorité de la coopération. Mais surtout, les grands industriels savent que les économies d’échelle font beaucoup plus que la concurrence pour baisser les prix.

En réalité, la concurrence fonctionne dans des cas très particuliers, et nécessite de remplir des conditions spécifiques, parmi lesquelles un grand nombre d’acteurs (plusieurs dizaines au minimum) et l’absence de barrière à l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché.

Le marché du rail constitue le contre-exemple parfait, un cas d’école systématiquement repris par les manuels d’économie. En effet, il semble aberrant de faire construire cinquante lignes ferroviaires côte à côte, et on comprend bien qu’une compagnie disposant de ses propres infrastructures possède un avantage permettant de barrer l’entrée d’un nouveau concurrent, qui devra supporter les coûts de mise en place de son propre rail avant de pouvoir gagner des parts de marché.

Pour toutes les activités de réseau, on parle de monopole naturel. C’est le cas pour l’électricité, le gaz, les routes, et dans une moindre mesure les télécoms.

À chaque fois, les économies d’échelle induisent une baisse du coût marginal. En clair, chaque client supplémentaire coûte moins cher que le précédent et permet de réduire le prix global du service. Dans le cas du rail, c’est particulièrement intuitif : plus on augmente le nombre de passagers dans un train, et plus le coût du billet diminue.
Le rail anglais 40% plus cher que pour le reste de l’Europe, selon le Financial Times qui dresse un bilan alarmiste de l’ouverture à la concurrence.

Les coûts fixes de construction et d’entretien du réseau étant particulièrement importants, ils nécessitent une forte intégration qui conduit naturellement à l’établissement d’un monopole. Or, les monopoles privés alignent leurs prix sur le maximum supportable par le client, afin de maximiser leur profit. C’est ce que conclut la Cour des comptes au sujet de la privatisation des autoroutes françaises, dans un rapport accablant qui condamne les hausses alarmantes des prix et l’inacceptable baisse de la qualité des services. (7)

Ceci explique l’aspect naturel des monopoles publics, ou service publics, dans les activités de réseaux à forte capitalisation.
Du monopole naturel à la concurrence organisée

L’idéologie libérale n’allait pas baisser les bras face à l’implacable logique scientifique qui détermine les cas de monopoles naturels. Ses promoteurs ont imaginé un système permettant de contourner les solutions pragmatiques.

Leur logique est simple : puisqu’il est absurde de construire 50 lignes de TGV en parallèle, on scinde la SNCF en deux : la partie responsable de l’entretien du réseau facture un droit d’usage à la filiale responsable du transport des passagers, qui peut être mise en concurrence avec des acteurs privés payant les mêmes droits que la SNCF pour rouler sur les mêmes rails.

Le problème d’une telle approche, qui tient beaucoup de l’entêtement dogmatique, c’est qu’elle multiplie la complexité et s’oppose aux économies d’échelle et synergies en multipliant les intermédiaires, les instances de régulation et les acteurs. Sans parler du problème de sécurité.
Les contre-exemples anglais et allemands

Le Financial Times dresse un bilan détaillé et accablant de la privatisation du rail en Grande-Bretagne. Le journal économique de référence évoque une hausse des tarifs (corrigée de l’inflation) variant entre +30 % et +300 % selon les lignes. En parallèle, on observe une hausse spectaculaire des accidents, une baisse drastique de la qualité du service et un surcoût pour l’ensemble des contribuables du fait des milliards d’argent public injectés pour pallier aux faillites de nombreux opérateurs.

Le bilan du Financial Time est à sens unique : le rail anglais est le plus cher d’Europe, et ses équipements sont les plus vieux et les plus mal entretenus.
Le rail anglais, jadis à la pointe de l’UE, accuse un retard de développement flagrant sur les autres pays européens. (Financial Times)

En Allemagne, la privatisation récente des petites lignes (le modèle ayant inspiré le rapport Spinetta) nécessite une subvention constante de la part des contribuables, à hauteur de huit milliards d’euros par an. (8)

En suède, 70 % des citoyens demandent la renationalisation du rail et un retour au service public, écœurés par les effets de la privatisation amorcée en 2001. En Finlande, une gare sur huit a été supprimée, et les temps de trajets ont été multipliés par deux ou trois dans les zones désertées. (9)
4) Faut-il s’inquiéter de la privatisation de la SNCF ?

Privatiser un service public revient à introduire la recherche de rentabilité, ce qui doit permettre de gagner en efficacité par la réduction des coûts. Mais cela risque de se faire au détriment de la sécurité, que ce soit par une baisse des dépenses ou en pressurisant les employés pour qu’ils travaillent plus vite.
Collision entre un train de marchandises et un train de voyageurs en Caroline du Sud. Image NPR.

D’après Arthur H (nom modifié à sa demande), ingénieur SNCF travaillant dans la maintenance des lignes sur le grand Ouest, « Le risque c’est de sacrifier la sécurité pour dégager du profit ». « Les pannes actuelles qui augmentent la grogne des usagers sont liées au gel des dépenses de maintenance ». Un argument à mettre en perspective des nombreux accidents survenus en Europe après les privatisations, et les nombreuses collisions observées entre trains de différentes compagnies aux USA et en Grande-Bretagne.
Les externalités positives du service public

Le service public génère des externalités positives : maintien de la cohésion des territoires, commerces aux abords des gares, futures économies d’échelle dans la perspective d’une augmentation du réseau ferroviaire (dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique par exemple). L’abandon des lignes non rentables sacrifie un bien public et va augmenter drastiquement le temps de trajet des citoyens, empirer les embouteillages et la pollution liée à l’usage du bus et de la voiture, enclaver des populations et aggraver les inégalités.  

La Chambre de commerce de la région du Nord a estimé le surcoût économique des embouteillages à 1,4 milliard d’euros, soit six fois plus que le budget alloué aux TER. (10)
Qui va payer la dette de la SNCF ?

Emmanuel Macron avait promis de transférer la dette de la SNCF sur les comptes de l’État, à condition que les cheminots renoncent à leur statut. Cette dette de 47 milliards n’est pas le fruit du hasard, mais le transfert délibéré des investissements effectués pour les projets de lignes à grande vitesse, doublés de l’accumulation des déficits résultant des coupes budgétaires. Car la mission de la SNCF n’est pas d’être rentable, mais d’assurer un service public. De fait, les réductions imposées par l’état ont conduit à une baisse de l’offre et in fine de la fréquentation des trains. La SNCF a elle-même vampirisé ses ventes en introduisant des services de covoiturage et d’autocars pour concurrencer ses propres lignes. Selon Le Monde Diplomatique, cette politique commerciale aberrante est directement responsable de la situation actuelle. (11)

La facture sera supportée par les contribuables, tandis que les endettements futurs de la SNCF perdront la garantie de l’état. La SNCF verra son coût de financement augmenté et sa nouvelle dette soumise aux marchés, ce qui lui imposera de sacrifier les investissements au profit d’une logique de rentabilité. C’est le but de la proposition de Spinetta, qui cherche ainsi à soumettre la SNCF au contrôle des marchés. (12)
L’expérience des privatisations antérieures

 Il suffit de porter un regard critique sur la privatisation des autres services publics pour tirer les conclusions qui s’imposent.

La meilleure analogie de la privatisation des TER provient de celle des autoroutes, qualifiée par la Cour des comptes de scandale d’état du fait de l’augmentation prodigieuse des tarifs couplée à une baisse de qualité du service. (13)

Le cas de La Poste est également exemplaire : une hausse des prix de 40 % depuis 2011, et la tarification à l’acte de ce que les facteurs faisaient jadis de bon cœur : tisser du lien social. Le service « veiller sur mes parents » qui permet de garantir un passage du facteur coûte 19,90 euros/mois, pour un contact par semaine (et 139 euros/mois pour un sourire quotidien). (14)

La vague de suicides qui a frappé les employés de La Poste nous rappelle celle qui avait traversé France Télécom. Cette autre privatisation avait engendré le ralentissement de la couverture du territoire, et une hausse spectaculaire des prix sous fond d’entente avec SFR et Bouygues.  

GDF (devenu Engie) a fermé l’ensemble de ses centres d’assistance physique pour délocaliser et sous-traiter auprès de call-centers situés au Maghreb. On se souvient de cette femme cancéreuse qui, de retour de chimiothérapie, découvre qu’on lui a coupé le gaz et l’électricité sans préavis. Le call-center lui refuse tout arrangement : « le cancer et la chimio ne sont pas des motifs recevables pour notre société », lui répond-on. (15)

Auguste Honrat, directeur relation client d’Engie explique : « c’est indéniable qu’il y a moins de contact physique, et comme le contact physique est ce qu’il y a de plus humain, et bien il y a moins d’humanité ». (16)

Mais le champion toute catégorie reste EDF, passé en quelques années du statut de première entreprise française à celui d’une société menacée de faillite.

La raison ? Une baisse des budgets qui entraîne des pannes à répétition dans les centrales nucléaires, des chantiers EPR sous-estimés qui cumulent les retards, et surtout une concurrence intenable sur un marché intérieur désormais saturé par les excès de capacité de production. Les opérateurs privés laissent EDF assurer la base de la demande électrique et lui revendent à prix d’or les kWh de pointe en période de forte demande. Le rachat d’Areva (coulé par M. Spinetta) et la vente forcée des barrages hydro-électriques (la branche la plus rentable d’EDF) devraient achever de pousser l’ancien leader mondial vers la faillite. (17) Socialisation des pertes aux frais du contribuable et privatisation des profits au bénéfice des actionnaires, l’histoire se répète. (18)
5) Libéralisme contre socialisme : la lutte des classes au cœur du train SNCF

La privatisation du rail et sa mise en concurrence constituent une aberration économique confirmée par tous les retours d’expérience.

Pourquoi un tel entêtement idéologique de la part de nos gouvernements successifs ?

Il s’agit d’une lutte qui oppose deux conceptions de l’économie : la concurrence et le marché à tout prix, contre le bon sens et la mutualisation des « biens communs » de l’autre. Mais cela va plus loin.

Les intérêts privés cherchent à capter un marché de plusieurs dizaines de milliards d’euros qui leur échappe totalement. Le modèle économique « communiste » consistait à sortir le rail du marché en lui donnant le statut de service public.
Un train Amtrak déraille dans l’État de Washington. Photo NBC.

La SNCF défend également un modèle salarial « communiste », hérité du CNR à la Libération : ses employés disposent d’un salaire à vie (qui s’oppose au revenu universel promu par les libéraux) et permet de déconnecter le salaire de l’emploi. La valeur d’un « cheminot » n’est pas déterminée par le marché, mais par sa qualification et son grade, comme dans la fonction publique. (19)

C’est pour cela que Macron commence par s’attaquer au statut de cheminot, avant de lancer la privatisation des TER et la fermeture des lignes non rentables.

La « bataille du rail » est donc avant tout une lutte des classes entre les salariés bénéficiant d’un revenu indépendant des aléas du marché, et le capital qui cherche à s’approprier leurs moyens de production dans une logique de profit.

La direction de la SNCF elle-même cherche à privatiser l’entreprise. Ses cadres dirigeants rêvent d’une introduction en bourse qui leur donnera accès aux niveaux de rémunération du privé.

Arthur H en témoigne : « En tant qu’ingénieur et chef d’équipe, je ne peux pas vraiment me syndiquer, car c’est très mal vu par la Direction. Tu te fais sucrer tes primes et ton avancement. Mais je ferai grève malgré tout ».

Enfin, la SNCF est une des rares branches professionnelles encore capables de peser dans les luttes sociales par sa capacité de blocage du pays. Casser le statut de cheminot permettra de faire passer plus facilement la réforme des retraites prévue pour cet été.

Cette réforme du rail impacte de fait tous les salariés et travailleurs indépendants, et devrait être combattue par l’ensemble des Français.
6) Comment faire passer une réforme libérale (et prendre les Français pour des imbéciles)

Dès 1984, Alain Minc livrait la recette de la casse des services publics :« Le système public ne reculera que pris en tenaille entre des déficits devenus insupportables et des budgets en voie de rétraction. » (20)

Cette recette miracle n’a jamais fait défaut, et a été maniée avec brio pour déliter la SNCF. Le souci de rentabilité et l’introduction des tarifications inspirées des compagnies aériennes ont détruit la logique de service public, conduisant les prix des billets dernière minute à exploser sur les grandes lignes. Le gel des investissements génère pannes et retards, et la réduction des embauches entraîne une pénurie volontaire de conducteurs, qui cause des annulations de dernière minute.

L’usager frustré trouve les micros des journaux de 20h pour exprimer sa colère, sans aucune réflexion ou prise de recul sur ce que les enquêtes sérieuses démontrent comme étant une opération de sabotage volontaire de la part de la direction de la SNCF et de l’État. (21)

Comme pour la réforme de l’enseignement supérieur, on provoque sciemment une situation « intenable » mais parfaitement évitable (les retards et pannes de train, la sélection par tirage au sort pour l’inscription à la fac, les hôpitaux débordés) pour proposer une solution « inévitable » : la privatisation. Et pour mettre toutes les chances de son côté, on rajoute un gros discours réactionnaire sur les « privilèges » des cheminots.
7) La question du statut privilégié des cheminots et le point de vue des usagers

La presse et le gouvernement jettent en pâture à l’opinion publique le statut « privilégié » des cheminots. Mais entre les contre-vérités (la prime charbon n’existe plus depuis 1970) et les clichés, les chiffres témoignent d’une réalité très différente.

Leur salaire moyen est légèrement inférieur à celui du privé, le nombre de jours de congé total (en comptant les weekends et jours fériés) est supérieur d’une seule journée et le départ à la retraite à taux plein nécessite 42 annuités de cotisation, comme dans le privé. (22)

Le seul avantage significatif concerne la sécurité de l’emploi. Elle se « paye » par des horaires décalés, la garantie de seulement 12 weekends libres par an et pour beaucoup de travailleurs, les joies des trois-huit.  

La véritable question que devraient se poser tous les Français ne concerne pas les soi-disant privilèges dénoncés par les nantis qui sévissent sur les plateaux audiovisuels, mais le fait que ce droit à la sécurité de l’emploi ne soit pas accessible à tous.

Plutôt que d’encourager le gouvernement à prendre des mesures qui vont nécessairement augmenter le prix des billets, dégrader la qualité du service et affaiblir les droits de l’ensemble des Français tout en faisant payer la dette de la SNCF au contribuable, les usagers seraient particulièrement avisés de combattre cette réforme et d’exiger le retour à un vrai service public.
8) Des positionnements politiques révélateurs.

En Marche et ses alliés (le Modem, les constructifs et le PS) sont cohérents dans leur démarche de privatisation des biens communs au service des intérêts privés qu’ils défendent, et appuient bien entendu la réforme.

À gauche, l’opposition de la France Insoumise s’inscrit elle aussi dans une cohérence. Son programme de transition écologique et d’extension des droits sociaux (salaire à vie, sécurité sociale intégrale) repose en partie sur des services publics puissants et efficaces. Elle sera logiquement aux côtés des syndicats.

À droite, les Républicains se retrouvent assis entre deux chaises. D’un côté, ils ont bien compris que pour exister, ils devaient renouer avec les valeurs conservatrices et se rapprocher de la ruralité, ce qui rend délicat le soutien à une réforme qui va renvoyer les zones rurales au Moyen Âge.

De l’autre, LR a largement contribué au démantèlement de la SNCF et soutient le projet libéral. En décidant de taper sur les cheminots comme Sarkozy avant lui, Macron offre à la droite un prétexte pour défendre la réforme.

Le Front National n’a que faire des contradictions. Il a beau être le premier à s’attaquer aux syndicats, cela ne l’empêche pas de dénoncer une réforme qui menace la cohésion des territoires.
Conclusion

La réforme du rail représente un formidable retour en arrière de quatre-vingts ans. Compte tenu des données objectives, elle passerait pour de l’aveuglement idéologique et dogmatique, si elle ne servait pas de cheval de Troie à la destruction du modèle social français.

En termes économiques et écologiques, la privatisation tient de l’absurde. La réforme pourrait pratiquement être qualifiée de criminelle compte tenu de son impact environnemental et social, et du nombre de morts qu’elle va nécessairement entraîner, entre les accidents de trains et les suicides des employés.

Combattre la réforme de la SNCF, c’est défendre une autre vision de la société, plus solidaire et coopérative, tournée vers le progrès social et la transition écologique. Mais se contenter de protéger les acquis n’est pas suffisant. Il faut proposer une alternative au statu quo, comme le fait la CGT.

Une extension des droits des cheminots aux autres branches professionnelles, des investissements importants pour améliorer la qualité du réseau ferroviaire et la planification de la généralisation des transports publics pour lutter contre le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique devraient figurer au coeur des exigences des Français !  
http://www.politicoboy.fr/emmanuel-macron/reforme-sncf-un-cas-decole/
Pourquoi les végans ont tout faux - Libération
Sun Mar 18 20:54:50 2018
Ils prônent une rupture totale avec le monde animal, alors que manger de la viande a toujours fait partie de l’histoire humaine, un moment essentiel de partage. Cette relation doit reposer sur un élevage raisonné et bio, respectueux des sols et des terroirs. La meilleure façon d’échapper à l’alimentation industrielle.

    Pourquoi les végans ont tout faux

Ils sont peu nombreux, mais ils ont une audience impressionnante. Comme ce qu’ils disent semble frappé au coin du bon sens, celui de l’émotionnel et d’une morale binaire, le bien, le mal, c’est que ça doit être vrai. D’où le succès de la propagande végane, version politique et extrémiste de l’abolitionnisme de l’élevage et de la viande, que l’on mesure simplement : aujourd’hui, les opinions contraires, pourtant majoritaires, doivent se justifier par rapport à elle. Nous dénonçons d’autant plus le mauvais coup que porte le véganisme à notre mode de vie, à l’agriculture, à nos relations aux animaux et même aux courants végétariens traditionnels, que nous sommes convaincus de la nécessité d’en finir au plus vite avec les conditions imposées par les systèmes industriels et d’aller vers une alimentation relocalisée, préservant la biodiversité et le paysan, moins carnée, aussi. L’Occident et les riches des pays du Sud consomment trop de viandes, et surtout de la mauvaise viande. Au Nord comme au Sud, les systèmes industriels ont changé l’animal en machine à transformer la cellulose des plantes en protéines bon marché pour le plus grand profit des multinationales et au détriment des paysans, des consommateurs, des sols, de l’eau et des animaux. Le bilan sanitaire et écologique de ces rapports de travail indignes aux animaux est tout aussi mauvais que celui du reste de l’agriculture productiviste : on empoisonne les consommateurs avec de la mauvaise viande, de mauvais légumes et fruits, en dégradant l’environnement et la condition paysanne. Ceci étant dit, regardons un peu les arguments avancés par les végans.
Les végans vont sauver les animaux

Depuis douze mille ans, nous travaillons et vivons avec des animaux parce que nous avons des intérêts respectifs à vivre ensemble plutôt que séparés. Les animaux domestiques ne sont plus, et depuis longtemps, des animaux «naturels». Ils sont partie prenante du monde humain autant que de leur propre monde. Et, grâce au travail que nous réalisons ensemble, ils ont acquis une seconde nature qui fait qu’ils nous comprennent, bien mieux sans doute que nous les comprenons. Ainsi est-il probable qu’ils ne demandent pas à être «libérés». Ils ne demandent pas à retourner à la sauvagerie. Ils ne demandent pas à être stérilisés afin de peu à peu disparaître, ainsi que le réclament certains végans. Ils demandent à vivre avec nous, et nous avec eux, ils demandent à vivre une existence intéressante, intelligente et digne.
Le véganisme va nous sauver de la famine

Jusqu’à il y a peu, rappelons-le, les hommes et les femmes mouraient vite de trois causes possibles : les maladies infectieuses, la guerre et la faim. Or, depuis la fin du XVIIIe siècle, dans nos pays européens, et depuis les années 60 dans l’ensemble du monde, il n’existe plus de famines liées à un manque de ressources. Quel progrès ! Les famines qui adviennent sont des armes politiques. Quand des gens meurent de faim quelque part, c’est parce que d’autres l’ont décidé. On ne voit pas en quoi le véganisme changerait quoi que ce soit à cette réalité.
Le véganisme va sauver l’agriculture

Ce serait même exactement l’inverse. Si les famines ont disparu de notre sol, c’est parce que le XVIIIe siècle a connu la plus grande révolution agricole après celle de son invention : l’agronomie. Et la polyculture-élevage, pourvoyeuse de ce qui se fait de mieux pour nourrir un sol, le fumier. Une des meilleures idées que l’homme ait jamais eue. Quant à l’industrialisation de l’élevage, elle n’est pas née après la Seconde Guerre mondiale avec le productivisme agricole. Elle a été pensée bien en amont, au milieu du XIXe siècle avec le développement du capitalisme industriel. Les animaux sont alors devenus des machines dont la seule utilité est de générer des profits, aux dépens des paysans et de l’environnement.
Le véganisme va sauver notre alimentation

Le véganisme propose de se passer des animaux, pour les sauver. Retour à la case départ : l’agriculture sans élevage, c’est l’agriculture famineuse parce qu’elle épuise les sols. Ce sont des rendements ridicules pour un travail de forçat car le compost de légumes est bien moins efficace pour faire pousser des légumes que le fumier animal. A moins de forcer le sol par de la chimie, évidemment. Et de labourer bien profondément. Mais, dans ce cas, on abîme les sols, en désorganisant l’écosystème qu’il est en réalité.
Le véganisme sauvera notre santé

Tuer l’animal, c’est mal, manger de la viande, c’est destructeur. Car les études montrent que la consommation de viandes est corrélée au cancer. Sauf que ces études ont été principalement menées aux Etats-Unis et en Chine, où l’on consomme bien plus de viande, encore plus gavée d’hormones et d’antibiotiques, encore plus transformée. Quant aux études démontrant la longévité supérieure des végétariens qui - rappelons-le - consomment des produits animaux, lait et œufs, et dépendent donc de l’élevage, elles sont biaisées par le constat que ces publics consomment aussi très peu de produits transformés, peu de sucres, ils font du sport, boivent peu, ils ont une bonne assurance sociale, etc. Quelle est la responsabilité des légumes dans leur bonne santé ? Difficile à dire ! Ce qui importe, c’est le régime alimentaire et le mode de vie équilibrés. En comparaison, manger végan, l’absolu des régimes «sans», c’est se condamner à ingurgiter beaucoup de produits transformés, c’est-à-dire des assemblages de molécules pour mimer ce qu’on a supprimé. Sans omettre d’ajouter la précieuse vitamine B12 à son alimentation. Car sans elle, comme le montrent de nombreux témoignages d’ex-végans, ce régime ultra-sans détruit irrémédiablement la santé, à commencer par celle de l’esprit.
Le véganisme va sauver l’écologie

Avec ce retour au naturel, l’écologie est sauvée. Et bien non. Car ayant expulsé les animaux domestiques, il n’y a plus rien pour maintenir les paysages ouverts, ceux des prairies, des zones humides, des montagnes et des bocages. Sauf à obliger chômeurs, prisonniers et clochards à faucher et à couper les herbes, ou à produire des robots brouteurs. Les vaches et moutons sont les garants de l’extraordinaire diversité paysagère qui fait la France, qui est aussi celle de notre assiette. Les animaux et leurs éleveurs sont les premiers aménageurs du territoire.
Le véganisme est une position politique émancipatrice

Non, contrairement à ce que croient de nombreux jeunes, fiers de dire «je suis végan», comme s’ils participaient à une action révolutionnaire, ou si leurs actions contre les abattoirs ou les paysans vendant leurs fromages sur les marchés relevaient de la résistance à l’ordre établi, le véganisme ne participe pas à l’émancipation des animaux et encore moins à celle des humains. Au contraire, en défendant une agriculture sans élevage et un monde sans animaux domestiques, c’est-à-dire sans vaches, ni chevaux, ni chiens, ce mouvement nous met encore plus dans les serres des multinationales et accroît notre dépendance alimentaire et notre aliénation. Les théoriciens et militants végans ne sont pas des révolutionnaires, ils sont, au contraire, clairement les idiots utiles du capitalisme.
Le véganisme est l’ambassadeur de l’industrie 4.0

Le grand danger de ce début du XXIe siècle est bien l’invention d’une agriculture sans élevage. On ne compte plus les investissements et brevets déposés pour produire de la «viande» en cultivant en laboratoire des cellules musculaires de poulet, de bœuf ou de porc ou produire du lait et des œufs à partir de levures OGM. Les promoteurs de cette agriculture cellulaire se recrutent au sein des grandes firmes (Gafa, milliardaires et fonds d’investissements puissants). Les premières viandes artificielles pourraient être introduites sur le marché sous forme de carpaccio avant que soient commercialisés avant dix ans de «vrais-faux» morceaux produits in vitro. Des amas de protéines qui auront poussé à grands jets d’hormones pour favoriser la croissance et d’antibiotiques pour éviter les contaminations.
En vérité, le véganisme ne va pas nous sauver

Le véganisme est dangereux. Il participe à la rupture programmée de nos liens avec les animaux domestiques. Il menace de nous condamner à la disette en nous ramenant à l’agriculture prédatrice des temps anciens. Il menace de ruiner les pratiques alternatives, comme le bio, en annihilant la polyculture-élevage qui est son fondement. Il menace de nous condamner à dépendre d’une alimentation industrielle 4.0. Il menace d’uniformiser nos paysages. Il menace paradoxalement de nous faire perdre notre humanité incarnée et notre animalité en nous coupant des réalités naturelles par des zoos virtuels, des paysages transformés en sanctuaires, avec des chiens et chats remplacés par des robots. Le véganisme est l’allié objectif d’une menace plus grande encore. Car, après tout, la meilleure façon de ne plus abîmer la nature est de s’en couper totalement. De s’enfermer dans des villes, alimentées par des flux de molécules et des flux de données. Plus de sale, plus de propre, que de l’esprit sain tourné vers une morale ultime, l’amélioration de l’homme par son isolement total de la nature que l’on ne peut maîtriser et qui nous renvoie sans cesse à notre animalité. Oui, véganisme rime avec transhumanisme.

Un monde terrifiant. La consommation de la viande a introduit, dès la préhistoire, l’obligation du partage, l’invention de la logique du don et du contre-don car un chasseur ne consomme jamais son propre gibier. Don et contre-don sont aussi au fondement de nos rapports sociaux avec les animaux. Donner - recevoir - rendre est le triptyque de nos liens. Que sera l’humanité sans cet échange fondamental ?

Paul Ariès auteur de : Une histoire politique de l'alimentation du Paléolithique à nos jours, Max Milo, 2017.
Frédéric Denhez auteur de : le Bio, au risque de se perdre, Buchet-Chastel, 2018.
Jocelyne Porcher auteure de : Encore carnivores demain ? Quae, 2017 (avec Olivier Néron de Surgy).
Paul Ariès politologue , Frédéric Denhez journaliste, chroniqueur («CO2 mon amour» sur France Inter) , Jocelyne Porcher sociologue, directrice de recherches à l’Inra
http://www.liberation.fr/debats/2018/03/18/pourquoi-les-vegans-ont-tout-faux_1637109
Autoescape.com | Les catégories de véhicules de location
Wed Feb 28 21:59:55 2018
https://www.autoescape.com/categories-location-voiture
Numérique ou Digital ?
Wed Feb 7 17:06:59 2018
http://toucher.rectal.digital/
Les estimations de projets IT | CommitStrip
Tue Feb 6 09:48:23 2018
http://www.commitstrip.com/fr/2018/02/05/it-project-estimates/
Freebox Fibre FTTH IPV4 et ADSL Dslam Free IPV6 les specificites
Thu Feb 1 14:10:19 2018
https://www.busyspider.fr/Freebox-connexion-fibre-optique-ZMD-Gpon-ZTD-Epon-ipv4-et-dslam-adsl-ipv6-specificites-free-alice.php
Les GPO ne s'appliquent pas ? 14 pistes à étudier | Stratégie de groupe | IT-Connect
Wed Jan 24 16:52:53 2018
https://www.it-connect.fr/les-gpo-ne-sappliquent-pas-14-pistes-a-etudier/
Historique des versions de Windows 10 — Wikipédia
Sat Jan 20 19:53:58 2018
https://fr.wikipedia.org/wiki/Historique_des_versions_de_Windows_10#Version_1709_(Fall_Creators_Update)
Dossier : achetez un smartphone 4G compatible 700 MHz !
Thu Jan 11 16:27:46 2018
https://www.freenews.fr/freenews-edition-nationale-299/free-mobile-170/dossier-achetez-smartphone-4g-compatible-700-mhz
Enquête : plus de 50% des smartphones proposés par Free sont compatibles 4G 700 MHz
Thu Jan 11 16:21:18 2018
https://www.freenews.fr/freenews-edition-nationale-299/free-mobile-170/enquete-plus-de-50-smartphones-vendus-free-compatibles-4g-700-mhz
Mobile : mieux comprendre les fréquences et les technologies - Le blog des Thiguys
Wed Jan 10 23:28:03 2018
http://blog.thiga.fr/innovation-digitale/mobile-mieux-comprendre-les-frequences-et-les-technologies/
Choisir son téléphone en fonction des Fréquences 4G LTE et Opérateurs
Wed Jan 10 23:19:26 2018
https://geekmps.fr/geeks/1090-comprendre-les-bandes-frequence-4g-des-operateurs-et-des-smartphone
« Non-souchiens ou racisé.e.s : la novlangue des dévots de la race »
Tue Dec 26 16:29:20 2017
Finkielkraut, Johnny et les « non-souchiens ». Rokhaya Diallo, le CNNum et les « femmes racisées ». « Blanchité », « blackface »… Où va la langue ? Parle-t-on encore français ? Le français de France, le français du Français, le français français, comme dirait Léon-Gontran Damas, l’un des inventeurs de la négritude ? Plus on prête l’oreille aux polémiques, plus leur vocabulaire convainc que le discours sur le racisme, sur la race et sur les autres tient de la novlangue. Est-ce vraiment un hasard ? Pas vraiment, dans un pays où le racisme et la xénophobie auront été, depuis des années et jusqu’à la dernière présidentielle, bien présents dans les esprits mais étrangement absents des débats politiques.

Depuis le thème de « l’identité nationale », ce newspeak français gagne du terrain à mesure que reculent le débat et la réflexion sur le racisme. Le racisme, « cette notion aberrante » qu’il convient de supprimer, affirmait récemment encore Michel Lebb, « parce que ça n’existe pas ». Inventer de nouveaux mots, éliminer surtout les mots indésirables, vider ceux qui restent de leur substance, quelle qu’elle soit : ainsi va le nouveau langage.

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Do you newspeak ta race ? Dans sa version perfectionnée, cette langue ne compte que des mots formés à des fins politiques pour imposer l’attitude mentale voulue à la personne qui les emploie. Pas toujours facile à prononcer, ce lexique novlangue se divise en deux classes distinctes, que nous appellerons vocabulaire raciste, ou vocabulaire R, et vocabulaire anti-raciste, ou vocabulaire AR. Notons d’ores et déjà qu’il est difficile, sans une compréhension complète des objectifs personnels et collectifs des dévots de la race, d’employer ces mots correctement.
Vocabulaire R : tout « Blanc » n’est pas « souchien »

Les mots R sont formés de mots dérivés ou de mots composés, soudés ensemble, signifiants dans un couple d’opposés. Par exemple, le mot « souchien » signifie avant tout « non-souchien ». Nous comprendrons « Français de souche », à la condition d’exclure de ce groupe les personnes d’ascendance maghrébine, d’Afrique subsaharienne ou d’Asie. « Non-souchien » s’entendra aussi comme « les quartiers », « les banlieues » – entendez par là ceux qui y vivent, sachant que son contraire serait « la campagne », « la ruralité », par extension « le terroir » et ses habitants. Dans une autre acception, « souchien » s’emploiera comme synonyme de « Blanc ». Pour autant, tout « Blanc » ne sera pas « souchien » – songez au plombier polonais. Car, avant tout, est « souchien » celui ou celle qui se revendique comme tel. Ainsi, le terme change de désignation, avec de fines subtilités à peine intelligibles.

Considérons ainsi cette phrase typique d’un académicien de la novlangue : « Le petit peuple blanc est descendu dans la rue pour dire adieu à Johnny. Il était nombreux et seul. Les non-souchiens brillaient par leur absence. ». Traduction : « Les Noirs, les Arabes et les Asiatiques ont-ils une âme, une âme rock’n’roll ? Wesh, ma gueule, qu’est ce qu’elle a ma gueule ? » Mais ce n’est pas une traduction exacte. Saisir dans son entier le sens de la phrase susmentionnée exige d’avoir une idée claire de ce que signifie « le petit peuple blanc ». De plus, seul un spécialiste de la novlangue appréciera la force du mot « souchien », qui implique une acceptation aveugle de la métaphore, un enthousiasme sans bornes pour l’affect et, enfin, le strict respect d’une règle élémentaire de la grammaire novlangue : « Moi parler français, parce que moi savoir faire des néologismes. »

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Mais la fonction spéciale de certains mots novlangue, comme « souchien », n’est pas tant d’exprimer des idées, des valeurs ou des sentiments, que d’en détruire. Quelques mots-couvertures en englobent d’autres et, en les englobant, les suppriment. Ainsi, tous les mots gravitant autour des concepts de liberté, d’égalité et de fraternité cessent d’exister dans « identité nationale ». En novlangue, la cacophonie domine toute autre considération. Attendu qu’un expert du vocabulaire R doit être capable de répandre des sophismes aussi automatiquement et aussi bruyamment qu’une mitraillette sème des balles, il est important de parler sans réflexion. Aussi, comparé au vocabulaire AR, le vocabulaire R est minuscule. Il s’appauvrit chaque année au lieu de s’enrichir, chaque réduction constituant un gain puisque moins le choix des mots est étendu, moindre est la tentation de réfléchir.
Vocabulaire AR : le « racisé » revendiqué

Les mots AR consistent en des termes scientifiques et techniques débarrassés de leurs significations indésirables et dont on prend soin d’oublier le sens premier.

Prenons pour exemple le terme « racisé.e.s ». A l’origine, un concept sociologique, utile à l’étude du racisme structurel mais qui, une fois entré dans la novlangue ordinaire, brille de sa nouvelle indigence. Des « personnes racisées » aux « racisés », la novlangue substantive le lexique universitaire, essentialisant par là même le mot qui devait non seulement éviter ce piège mais rendre dicible la réalité sociale du racisme.

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De fait, dans sa nouvelle acception, le mot ne renvoie plus au processus de racisation mais réduit la personne à une identité fixe, à « l’être racisé.e ». Autrement dit, on ne se fait pas raciser, on est un ou une racisé.e. Grâce à la novlangue, d’innombrables victimes de discriminations, d’inégalités, de préjugés et de clichés ont ainsi intégré cette nouvelle catégorie homogénéisée et dont le principal avantage consiste à effacer la pluralité des trajectoires sociales. « Le racisé », proche du « non-souchien », lui aussi se dira donc d’abord en revendiquant. Sa place dans le duel « X versus non-X », sa position dans le rapport de forces social et économique, son camp dans la mécanique du racisme – en définitive, son potentiel de mobilisation.

L’une des fonctions du jargon AR est en effet de masquer l’impuissance à créer le mouvement social autant que l’incapacité à mener des luttes catégorielles. Le vocabulaire R refuse de changer la société, le vocabulaire AR renonce au changement social. Pendant ce temps, le racisme au quotidien prospère.
« Newspeak » des bas instincts

« Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050 au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? », demandait un des personnages de 1984 à Winston Smith, le protagoniste principal de l’œuvre de George Orwell. Nous sommes en 2017, et déjà nous ne comprenons plus rien au discours raciste ou sur le racisme.

Et pour cause : le but de la novlangue est, d’une part, de fournir un mode d’expression aux idées des dévots de la race, d’autre part de rendre impossible tout autre mode de pensée. Cette langue complexe mais vide, ce newspeak des bas instincts, se destine non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée en réduisant au minimum le choix des mots, et avec lui les personnes elles-mêmes. Lorsqu’il sera une fois pour toutes adopté, lorsque le français sera définitivement oublié, une idée hérétique sera littéralement impensable, dans la mesure où la pensée dépend des mots. Toute ressemblance avec l’appendice d’Orwell n’est pas fortuite.

Sarah-Jane Fouda est consultante en communication, spécialiste du discours et de l’argumentation. Elle enseigne la logique informelle à l’Université Paris-III Sorbonne-Nouvelle.
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/26/non-souchiens-ou-racise-e-s-la-novlangue-des-devots-de-la-race_5234542_3212.html#link_time=1514292766
Velvet Underground’s 50th Anniversary Celebrated With Vinyl Box Set
Thu Dec 21 11:38:24 2017
Limited to 1000 copies worldwide
https://www.udiscovermusic.com/news/velvet-underground-vinyl-box-set/
Linuxien découvre Windows 7 ... - News - Linuxtricks
Fri Dec 15 17:25:44 2017
https://www.linuxtricks.fr/news/11-le-sac-de-chips/13-linuxien-decouvre-windows-7/
Don't Fear The To-Do List: A Guide To Microsoft Task Management Tools - Predica
Thu Dec 7 11:30:19 2017
https://predica.pl/blog/microsoft-task-management-tools/
web:mastodon [Libox Wiki]
Mon Dec 4 10:46:02 2017
https://wiki.libox.fr/web/mastodon
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